« Si le rire est le moteur du jeu, les larmes sont l’huile qui en graisse les rouages. »

« Un jour qu’elle jouait avec ses cousins, Ruth, quatre ans, se fit mal à la main. Je la pris dans mes bras tandis qu’elle pleurait à chaudes larmes. […] Au bout d’un moment, Ruth me tourna le dos et fit mine de vouloir s’en aller. Je la retins gentiment et lui rappelai : « Tu as eu très mal. » Elle pleura quelques minutes encore et me raconta une fois de plus ce qui lui était arrivé. Elle posa ensuite un regard franc et radieux sur moi, sur ses cousins, de nouveau sur moi et se mit à rire. « Tout d’un coup, c’est redevenu amusant », commenta-t-elle avant de retourner jouer. Je sais que beaucoup, à ma place, auraient libéré Ruth après la première crise de larmes, en la supposant consolée. Je la retins un peu plus, le temps qu’elle guérisse de ses émotions, au lieu de la pousser à passer outre. Quelques sanglots encore lui permirent de surmonter son traumatisme pour de bon. crying-513164_1920
Nous apprenons à la plupart des enfants à court-circuiter le processus de guérison, à réprimer ce qu’ils ressentent au plus vite.
Malheureusement, ce faisant, ils ne mènent pas à bien l’importante tâche qui consiste à libérer leurs émotions. Il est alors probable que, de retour à leurs jeux, ils se montrent craintifs ou, à l’inverse, casse-cou. »

Lawrence Cohen, Qui veut jouer avec moi ? (traduit par Marie Boudewyn), éd. JC Lattès.

Auteur/autrice : raphoulette

Consultante parentale... une sorte de Mary Poppins ! Mon métier : accompagner les parents et tous ceux qui côtoient des enfants vers plus de bienveillance et de créativité.

2 réflexions sur « « Si le rire est le moteur du jeu, les larmes sont l’huile qui en graisse les rouages. » »

  1. L’éthologue Frans de Waals qui a étudié les comportements de tous les grands primates dans le zoo de Aarhem aux Pays Bas mais aussi en milieu naturel a écrit un livre que je recommande à tous les humains si proches de nos frères animaux.. « De la réconciliation chez les primates ». Il y démontre par la démarche expérimentale que les primates se battent pour mieux se réconcilier ensuite. Chez les enfants c’est une constante : on se chine, on s’attrape, on se fait mal mais on continue le jeu… Ce ne sont pas des « jeux destructeurs » comme chez les adultes mais des jeux d’expérimentation de la confrontation avec autrui. Chez les adolescents, la donne change car un processus de manipulation peut s’infiltrer dans le jeu défini. Mais en même temps, il y a un message subliminal qui apparaît encore chez ces jeunes adultes…. Une expérience m’a confrontée à l’inclusion d’un jeune homme dysphasique en seconde professionnelle. Toute l’équipe éducative et médicale immédiatement alertée par la maman s’est mise en charge d’entourer le jeune homme afin qu’un traitement adapté soit mis en place et réponde aux besoins spécifiques que la maladie de ce jeune homme impliquait. Les autres élèves (une douzaine) étaient informés de la situation de ce dernier. Or à un moment, nous avons assisté à une forme « d’usinage » de cet élève par les autres garçons avec la complicité des rares filles à suivre cet enseignement de Techniques de l’Architecture et de l’Habitat, et ce malgré toutes les précautions prises pour permettre la meilleure inclusion du jeune concerné. Convoqués, sanctionnés les élèves auteurs voire meneurs dans cette affaire, avaient plus ou moins évoqué qu’il convenait aussi que pour s’en sortir dans la vie, il fallait aussi parfois savoir se battre. Ce qui en substance semblait bien vouloir dire que la mise en œuvre inconsciente de ces jeunes était aussi de dire au garçon : « Eh gars, t’auras pas toujours ta mère ou l’école pour t’aider à t’en sortir, il faut aussi que tu apprennes à te confronter à l’adversité ». Bien sûr, nous n’avons lâché prise ni avec les uns ni avec les autres.. et, je pense que nous avons œuvré pour que ce jeune homme réussisse ses études malgré le handicap qui était le sien. Il a continué brillamment en BAC PROFESSIONNEL puis en BTS et il est revenu nous voir pour nous évoquer sa réussite, tout en omettant pas d’exercer une petite vengeance à notre égard, nous disant que dans le lycée où il était dorénavant inclus, le Proviseur était d’une grande rigueur à l’égard des problèmes de discipline des élèves. Quant à sa chère maman très protectrice (trop peut-être) il est vrai, elle s’est remariée et cela a été je pense, aussi pour elle l’occasion de ne plus se focaliser sur cet unique enfant, sa maladie, et le fait que la vie ne lui avait pas permis d’en épouser le père.

  2. Merci pour votre témoignage, Micheline.
    N’ayant pas lu cet ouvrage et ne connaissant pas le sujet du jeu chez les primates, je ne peux me faire une opinion sur ce sujet… en revanche, votre histoire me ramène à l’excellent livre de Lawrence Cohen, « Qui veut jouer avec moi ? », dans lequel le psychologue explique comment les enfants utilisent le jeu pour décharger leurs émotions et apprivoiser leur environnement, ainsi que toutes les expériences (y compris difficiles) auxquelles ils sont confrontés…

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