« Un jour qu’elle jouait avec ses cousins, Ruth, quatre ans, se fit mal à la main. Je la pris dans mes bras tandis qu’elle pleurait à chaudes larmes. […] Au bout d’un moment, Ruth me tourna le dos et fit mine de vouloir s’en aller. Je la retins gentiment et lui rappelai : « Tu as eu très mal. » Elle pleura quelques minutes encore et me raconta une fois de plus ce qui lui était arrivé. Elle posa ensuite un regard franc et radieux sur moi, sur ses cousins, de nouveau sur moi et se mit à rire. « Tout d’un coup, c’est redevenu amusant », commenta-t-elle avant de retourner jouer. Je sais que beaucoup, à ma place, auraient libéré Ruth après la première crise de larmes, en la supposant consolée. Je la retins un peu plus, le temps qu’elle guérisse de ses émotions, au lieu de la pousser à passer outre. Quelques sanglots encore lui permirent de surmonter son traumatisme pour de bon.
Nous apprenons à la plupart des enfants à court-circuiter le processus de guérison, à réprimer ce qu’ils ressentent au plus vite.
Malheureusement, ce faisant, ils ne mènent pas à bien l’importante tâche qui consiste à libérer leurs émotions. Il est alors probable que, de retour à leurs jeux, ils se montrent craintifs ou, à l’inverse, casse-cou. »
Lawrence Cohen, Qui veut jouer avec moi ? (traduit par Marie Boudewyn), éd. JC Lattès.